De l'espace au temps
« La bonne vieille terre et le nuage qui passe ... »
Avec ces quelques mots, Valerie Bachelier nous dit sa peinture ; cette tentative, sans cesse rejouée, pour aller de la matière la plus profonde à la lumiere, de l'espace au temps. Etonnante alchimie qui se donne pour but de transmuter l'immobile en jaillissement, le silencieux en langage par dela les langages.
« la bonne vieille terre » Que de ballades en Provence parmi les oliviers et Ies herbes sèches, la glaise pierreuse ...Que de virées dans les collines des Corbieres pour « toucher » les parfums exhalés de tant d'aridité ... Sans cesse la terre est bouleversée, toujours elle donne.
Les toiles de Valerie sont souvent abstraites. Pourtant, la terre dans sa matérialité est bien présente. Généreuse. La peinture se mêle de sables que l'artiste laboure, gratte, griffe. Elle « triture la matière » sans vouloir cacher sa tension intime : faire naitre.
II nest pas question ici d'accouchement, mais de mutation : dans I'espace vierge du cadre, «la vieille terre vient à la vie». Elle rit, Valerie, de cette puissance qui par moment émane du geste, de cette volonté incarnée dans un trait de couteau. Elle rit, car elle sait, à force de chercher ce « geste », à quel point it est offert l'artiste, véritable moment de grace qu'un rien — un doute — peut dissiper. La fragilite est au coeur: « Tu extirpes les formes du vide, du possible, tour a tour, vite, lentement, en reculant pour regarder, en hésitant, en étant sûre et joyeuse car tu as trouvé "un truc qui vit" et qui est le prémisse d'une peinture qui prendra "sens" ».
A regarder ses tableaux, il est évident que la « vie » et le « sens » vont ensemble, sont une même chose.
Et la, passe un nuage. Apres le travail de la matiére, après l'émergence de la lumiere, des lumières, sur ce lieu (la toile) « travaillé, bousculé par des successions d'évènements figés dans leur energie par la trace », le « fortuit, le presque rien » s'inscrit.
Parfois ce sont de simples traits qui s'ajoutent les uns aux autres pour construire des géométries, souvent ce sont juste des signes, les traces de langages perdus qui résonnent encore en nous. On voudrait les déchiffrer, ils nous échappent, ils viennent de très loin et nous disent le temps. Les « écritures anciennes » portent toujours un fond d'humanité, et nous renvoient parfois à nos propres secrets. Légers, ces signes évoquent le temps qui passe, le changement de la matière en Histoire, « même », conclut Valerie, « s'il y a toujours un petit mystère que l'on ne peut épuiser...
A. Albert